Atelier d’écritures poétiques

Un jour dans la campagne au Japon, sous les rayons ardents du soleil levant, le Fuji-Yama à la collerette enneigée pensait  avec tendresse à sa vie, ému devant les cerisiers rose en fleurs qui lui offraient une nouvelle vie

Devant cette promesse de l’aube, les grues amoureuses préparaient le nid de leurs petits qui allaient naître

Un couple de mésanges affairé volait au-dessus des branches fournies et fraîches dans cette matinée de printemps joyeuse. Ils repérèrent un arbre, un  chêne majestueux, dont l’équilibre appelait toute la sagesse du monde. Le parfum des fleurs fuchsia embaumait la campagne et les chants des mésanges tourbillonnaient dans le ciel comme pour donner un concert suave aux feuilles à naître, à la vie qui dansait après un hiver rigoureux mais qui n’était déjà plus qu’un lointain souvenir…

Le Fuji-Yama voulu se confier aux mésanges, lui aui avait tant vécu  témoin de toutes les tumultueuses anciennes vies des hommes, de leurs combats, de leurs souffrances, de toutes les injustices qu’ils avaient affrontés et dont ils voulaient se libérer pour renaître à la pureté du souffle dans un monde devenu lumière et harmonie.

Il se dirigea vers le chêne et l’entoura de ses bras  en posant sa joue sur son écorce tiède et rassurante. Personne ne pourrait l’entendre et ainsi il pourrait se confier, se libérer  enfin de tous ces mots qui pesaient si lourds dans sa tête au point qu’ils revenaient souvent dans ses conversations avec les nuages qui le réprimandaient car cela les affectaient à tel point qu’ils faisaient naître la pluie qui contaminait les sols de chagrin, faisant pousser des graines de violence absorbée de ce tumultueux orage que le Fuji lâchait à chaque fois qu’il parlait de ses mémoires de samouraïC’était de justice dont il avait besoin et il savait que le chêne la rendrait comme à son accoutumée.

Fuji était tout excité : « Chêne écoute ce que je viens d’apprendre sur ton peuple d’arbres !

-S’il te plait calme toi avant de parler, répondit le Chêne et demande-toi si ce que tu vas me dire passera trois tamis

-Quels tamis ?

-Ce que tu vas me dire au sujet des arbres, demande-toi : est-ce vrai ?

-Je n’en sais rien, répondit Fuji, j’en ai seulement entendu parler

-Donc , tu ne sais pas, pour sûr, si c’est vrai ou non

-Non , je ne sais pas, répondit Fuji

Le Chêne sourit :

-Posons maintenant la deuxième question : ce que tu vas me dire est-il bon ?

-Non, au contraire …

-Donc tu désires me dire quelque chose de mauvais au sujet des arbres sans être certain que ce soit vrai ?

Fuji commence à être un peu embarrassé..

-Néanmoins, ta nouvelle pourrait passer le troisième test : ce que tu vas me dire va-t-il être utile ?

Fuji secoua la tête et de la neige tomba aux pieds du chêne

-Donc, conclut le Chêne, si ce que tu vas me dire n’est ni vrai, ni bon, ni utile, alors pourquoi me le dire ?

Contrôle ta parole, évalue sa véracité, sa bonté et son utilité. Ce dernier prononça les mots les plus doux, les plus rassurants que le Fuji n’ait jamais entendu : » tu n’as plus besoin de revenir sur le passé ma montagne préférée, tu es vivant ici et maintenant et la justice du ciel a fait son travail  « va vis et deviens mon fils… »

On ne sait pas combien de temps le Fuji resta accolé au tronc bienveillant du Chêne mais on sait que depuis à chaque fois que le Fuji avait besoin de revenir à son passé, il repensait à ce procès dont il était sorti vainqueur…Il avait appris à  modérer ses effusions, l’intonation de sa voix pour ne pas réveiller les bébés mésanges  et pour ne pas que des graines de violence naissent de cette énergie ravivée.

Copyright Marcelline ROUGEMONT 2025